Histoire de France populaire (Laurence de Cock)
Récupéré après avoir découvert le travail sur l’histoire populaire états-unienne d’Howard Zinn dont Laurence de Cock dit s’être inspirée. Couvrant une période très large (“D’il y a très longtemps à nos jours” dit le sous-titre), c’est un pavé de 486 pages assez impressionnant.
De quoi ça parle ?
Revendiquant la filiation avec les travaux d’Howard Zinn et Gérard Noiriel, Laurence de Cock écrit un contre-roman national plus populaire, de la préhistoire, mais surtout à partir de l’époque gauloise, à la période ultra-contemporaine, le livre se clôturant sur la création du Nouveau Front Populaire en 2024.
Mais encore
Forcément, avec une période si large à couvrir, le livre est bien mois détaillé que des ouvrages dédiés à certaines périodes ou mouvements. Mais il couvre beaucoup de terrain et d’événements, tentant de replacer les mouvements de révoltes et la relation du peuple à “La France” en fonction des époques.
Oui mais…
Un certain nombre d’éléments m’ont titillé pendant ma lecture
Un livre très parisien mais mentionnant les colonies
Paris reste au cœur du livre. D’autres villes sont mentionnées en passant mais le moteur de l’action, les principales actions populaires dignes d’êtres mentionnées sont surtout parisiennes.
Dans le même temps, l’autrice fait un effort pour intégrer la colonisation, les colonies et les répercutions des événements en France dans ces territoires, par des sections entièrement dédiées au sujet.
C’est rafraichissant tout autant que perturbant par moment.
Le système politique comme fil directeur
Malgré son titre, le livre prend les différents systêmes politiques, lois et décrets comme fils directeurs de l’action. Les conditions matérielles de vie ont tendance à passer à l’arrière plan. L’aspect populaire de cette Histoire est surtout matérialisée par la mention de révoltes, montrant que les classes populaires ne sont pas inertes ou juste en admiration devant des Grands Hommes qui leur montrent la voie.
Une chasse au clout ?
À partir du XXe siècle, l’auteur revient en longueur sur certains événements d’une façon qui m’a semblée un peu suspecte. C’est notamment sa description très détaillée de la grève des Penn Sardin de 1924 qui m’a mis la puce à l’oreille. Elle y dédie 3 pages soit presque autant que pour la Commune de Paris (4 pages). Un intérêt réel ou est-ce pour surfer sur la sortie du livre Une belle grève de femmes en juin 2023 ?
Idem pour le massacre des Algériens du 17 octobre 1961. Un intérêt réel ou une volonté de s’inscrire dans le discours sur la mémoire de l’événement qui apparaît à partir de 2021 ? Idem pour la Kanaky.
Un livre à quatre mains et demie ?
Niveau style, le manque de citations, de notes de bas de page ou de références m’a marqué dans les premières pages du livre. Au fil du livre cependant, les sections alternent entre parties purement narratives et parties intégrant des extraits de chants, pamphlets, livres etc. Un peu comme si deux auteurs au style un peu différent s’étaient partagé la rédaction du livre. Assez perturbant par moment.
(Sur les notes et références, le livre se termine sur un index et une bibliographie commentée très complète. C’est juste différent des autres textes du genre que j’ai pu lire dans lesquels les références sont mentionnées au fil de l’eau.)
Quant à la demi-main que je mentionne, certains paragraphes, surtout dans les chapitres sur le XIXe siècle, m’ont semblé… douteux, comme si rédigés ou retravaillés par ChatGPT ou autre LLM du genre. Aucun élément pour étayer ça, juste un ressenti assez persistant.
Commentaires en vrac
Aucune mention du Pays Basque ou de la Corse dans les mouvements indépendentistes. Je rapproche ça avec ce que j’ai écrit plus haut sur le dipôle Paris-Colonies, mais surprenant.
Sans doute une lubie personnelle mais aucune mention des attentats de 1995. Personnellement, ils m’ont bien plus marqué que ceux de 2015 (je n’étais plus en France à ce moment-là), mais ils marquent à mon sens un tournant, un psychose généralisée des poubelles, ainsi que la création du Plan Vigipirate qui introduit les opérations militaires permanentes sur le territoire national. Pour une histoire populaire du pays, ça me semble des éléments importants à intégrer.
Le mot de la fin
Comme vue d’ensemble de l’Histoire de France, le livre est pas mal. Je serais moins dithyrambique que les journalistes des interviews que j’ai pu lire ou voir, mais ça se lit bien et c’est relativement complet.