Acheté lors d’un passage à Paris peu après la mort d’Éric Hazan en 2024.

De quoi ça parle

Le livre est divisé en trois parties. Le cœur du livre est son Chemin de ronde, récit autant temporel que spatial, suivant le développement de Paris en passant par chaque arrondissement, revenant sur les différents murs d’enceinte, les faubourgs etc.

C’est aussi passionnant que difficile d’accès, Éric Hazan faisant appel à sa connaissance impressionnante des rues de Paris, de leurs anciens noms et des rues qui les ont remplacées mais aussi un savoir encyclopédique des auteurs et artistes de chaque époque. À lire avec une carte (ou plusieurs si vous avez des cartes historiques sous la main) et une encyclopédie littéraire et artistique à portée de main.

La seconde partie, Paris rouge, revient sur les différentes révolutions et insurrections ayant émaillé le XIXe et le XXe siècle, de 1830 à 1968, en prenant la barricade comme symbole et fil conducteur. Là encore, il émaille son récit de très nombreuses références et extraits d’auteurs et artistes contemporains, liant révolte, politique et portrait de parisien-nes.

La dernière partie, Traversant de Paris le fourmillant tableau… est plus une réflexion sur la place de Paris dans l’art. Dans la littérature et la poésie dans son chapitre Les flâneurs, notamment en tant qu’inspiration pour des personnages ou des lieux, mais aussi en tant que sujet en tant que tel pour la peinture puis la photographie dans Les belles images. J’ai presque passé autant de temps à lire ce dernier chapitre (d’une quarantaine de pages) qu’à regarder sur internet les différents tableaux ou photos qu’il mentionne, cette fois encore, le support visuel était plus que bienvenu, même s’il dresse souvent (ou cite des contemporains faisant) des descriptions détaillées des œuvres et vues en question.

Mais encore ?

L’auteur ne cache pas son positionnement politique (très à gauche). Quel autre auteur terminerait sa description spatio-temporelle de Paris en mentionnant les locaux de la CNT ? Évidemment, enchaîner immédiatement après par un récit circonstancié des mouvements libertaires et révolutionnaires du Paris du XIXe siècle ne laisse aucune doute par la suite.

Même si j’ai acheté ce livre bien avant, je le termine quelques jours après l’Histoire de France Populaire de Laurence de Cock. Et la comparaison n’est pas flatteuse pour ce dernier. Éric Hazan, malgré l’étalage de culture légitime sur toute les pages, parvient à dresser un portrait plus détaillé, plus populaire, plus circonstancié que ne le fait Laurence de Cock. On pourrait rétorquer qu’il ne se concentre que sur Paris et avec un fort penchant pour le XIXe siècle, mais c’est aussi un reproche que j’avais fait au livre de Laurence de Cock.

Pris un peu au pif dans sa bibliographie, j’ai découvert en commençant à organiser mes idées pour cette revue que c’est le premier livre qu’il a publié. Ce que je trouve également intéressant c’est que, sur la base seule des titres de certains de ses livres ultérieurs, celui-ci semble inclure tous les sujets qui lui tiennent à cœur, au point de dédier d’autres livres aux mêmes thèmes : Paris sous tension (2011), La Barricade, histoire d’un objet révolutionnaire (2013), La dynamique de la révolte (2015) ou Une traversée de Paris (2016).

Le mot de la fin

Pour faire simple, le livre est difficile d’accès et il en rebutera certainement plus d’un. Ma mère, qui pourtant dévore une quantité de livre impressionnante, a abandonné dans la quantité de références artistiques invoquée par l’auteur. Personnellement, j’ai également mis beaucoup de temps à rentrer dedans, l’abandonnant régulièrement mais en tentant de m’accrocher au événements et aux lieux qui avaient un sens pour moi. Et d’anecdotes en découverte, au final, je me suis laissé prendre.

J’ai eu l’impression de lire un livre par quelqu’un ayant eu une éducation classique, abreuvé de lectures, plongé dans les bibliothèques, fouillant les archives municipales pour en retirer l’histoire d’un quartier et tenter de la relier aux personnalités et personnages qui peuplent les récits, tant bourgeois que populaires, de ces 150 dernières années. Sa passion pour la littérature (fils d’éditeur et éditeur lui même) mais aussi l’art en général mais avant tout son amour de Paris transparaît dans les pages.

Pour finir, une petit citation en forme de pique sur la nostalgie :

Comme chaque rupture, ce dénouement porte à la nostalgie. S’il est vrai, comme l’a dit Michelet, que chaque époque rêve la suivante, il est encore plus évident que chaque époque vit dans la nostalgie de la précédente, surtout dans une époque où ce sentiment, promu comme une lessive, s’intègre à merveille dans un échafaudage idéologique, celui de la stratégie des fins — de l’histoire, du livre, de l’art, des utopies.